Infolettre – Hiver 2022

Volume 9, numéro 2

Éco Entreprises Québec se prépare à prendre en charge les contenants multicouches sous la nouvelle collecte sélective. Voici comment.

Le 24 octobre dernier, RECYQ-QUÉBEC, l’organisme gouvernemental d’encadrement du recyclage pour la province, a officiellement désigné Éco Entreprises Québec (ÉEQ) comme l’organisme de gestion (OGD) responsable d’administrer le nouveau système de collecte sélective pour le compte d’entreprises qui mettent sur le marché des emballages, des contenants et des imprimés. Cette désignation amorce donc la transition entre la collecte actuelle financée par ces entreprises, mais mise en œuvre par les municipalités et les centres de tri, et une collecte où les producteurs, par l’entremise d’ÉEQ, sont entièrement responsables de tous les aspects de la récupération et de la valorisation de leurs matières. Les producteurs se retrouveront ainsi avec ÉEQ au centre d’une nouvelle organisation du recyclage dans la province où des ententes de service formelles les lieront aux autres maillons de la chaine du recyclage que sont les municipalités, les centres de tri, les conditionneurs et les recycleurs. L’entrée en vigueur de ce nouvel arrangement est prévue pour 2025.

Les contenants multicouches (CMC), en tant que contenants recyclables, seront touchés par cette profonde transformation qui soulève naturellement plusieurs questions. Nous avons récemment parlé à ÉEQ pour mieux comprendre l’impact que ces changements auront sur leur recyclage et la façon dont l’organisme se prépare à les prendre en charge.

Aujourd’hui, l’ensemble des programmes de collecte sélective au Québec acceptent les contenants multicouches. D’entrée de jeu, nous avons pu confirmer que tous les CMC, qu’ils soient à pignon ou aseptiques, pour boissons ou pour aliments, et quel que soit leur format, continueront d’être acceptés partout au Québec sous le nouveau système. Et ce, même lorsque les contenants à pignon et aseptiques pour boissons — boites à boire incluses — feront leur entrée dans le programme de consignation au cours de l’année 2025. D’ailleurs, au même moment où RECYC-QUÉBEC annonçait la désignation d’ÉEQ pour la collecte sélective, elle annonçait celle de l’Association québécoise de récupération des contenants de boissons (AQRCB) pour la consigne.

Collaboration entre la collecte sélective et la consigne

En effet, la modernisation du recyclage au Québec passe aussi par un programme de consignation élargi qui couvrira désormais tous les contenants de boissons « prêtes-à-boire » de 100 millilitres à 2 litres. Bien que la séparation de la récupération des contenants multicouches d’aliments et de boissons entre collecte sélective et consigne ait cours également dans plusieurs autres provinces canadiennes, le Québec serait la seule à exiger une entente formelle de collaboration entre les responsables des deux systèmes pour maximiser la récupération et la valorisation des matières récoltées par chacun. ÉEQ confirme que des pourparlers se tiendront entre les deux organismes au cours des prochains mois en vue de la signature d’une entente d’ici la fin du mois de juillet 2023.

Il est donc encore trop tôt pour savoir si les CMC post-consommation récoltés de ces deux manières seront mis en ballots ensemble ou séparément et s’ils feront l’objet d’efforts de commercialisation conjoints ou bien indépendants en vue de leur valorisation par des recycleurs. Sachant qu’une partie des CMC de boissons consignés continueront inévitablement de se retrouver dans le bac bleu de la collecte sélective, les deux organismes doivent aussi convenir de la façon de traiter ces contenants. ÉEQ s’occupera-t-elle alors elle-même de leur valorisation ou les retournera-t-elle à l’AQRCB? Quel sera alors le mode de compensation des coûts entrainés par ces démarches? Comme des objectifs de récupération et de valorisation distincts ont été prescrits à chaque organisme par les autorités, il importera par ailleurs de mettre en place un mécanisme de transfert de données entre les deux pour s’assurer que leurs taux respectifs sont correctement calculés. Ces questions et d’autres trouveront réponse dans l’entente à venir. ÉEQ assure que l’on pourra compter sur une collaboration exemplaire entre les deux organismes pour une prise en charge efficace des CMC et la communication de résultats de performance qui sont justes et précis.

Concertation des acteurs pour la communication aux citoyens et les standards de tri

D’autres questions demeurent naturellement en suspens en ce tout début de transition, comme celles des gestes de tri visant les CMC qui seront promus par ÉEQ. L’une des dimensions les plus prometteuses de cette réforme est le fait que l’organisme sera également responsable de concevoir et de réaliser toutes les activités d’information, de sensibilisation et d’éducation concernant le recyclage des matières de la collecte sélective à travers la province. Les messages aux Québécoises et Québécois sur la manière de récupérer les différentes matières seront donc les mêmes où qu’on habite, ce qui devrait de beaucoup réduire la confusion parfois occasionnée par l’exposition à des directives contradictoires. Pour ce qui est des CMC, demandera-t-on aux citoyens, par exemple, de les aplatir ou non, de revisser leur capuchon ou non, avant de les déposer au bac? Ce genre de questions seront étudiées à partir de cet hiver, notamment au sein des divers comités de concertation qu’ÉEQ est présentement à mettre sur pied avec les acteurs du système. Plusieurs facteurs seront pris en considération lors de ces discussions, dont la capacité des bacs de récupération, la fréquence des collectes et les besoins des centres de tri de même que ceux des recycleurs.

Les comités de concertation seront aussi les lieux où seront fixées les exigences relatives au tri des contenants multicouches dans les centres de tri. Exigera-t-on le tri séparé des contenants multicouches en leurs propres ballots par tous? On sait que celui-ci permet de maximiser le rendement de la fibre de qualité qu’on retrouve dans les CMC lorsqu’ils sont réduits en pâte par les papetières et de recueillir le polyal (substance composée des fines couches de polyéthylène et d’aluminium contenues dans le CMC), qui peut entrer dans la fabrication d’autres produits. Le cas échéant, quelles autres matières acceptera-t-on dans ces ballots et quel taux de contamination tolèrera-t-on? À l’heure actuelle, près de la moitié des centres de tri du Québec effectuent le tri séparé des CMC et leur taux de pureté avoisine les 95 %, ce qui est particulièrement élevé. Sur ces questions, qui se posent également pour tous les autres types de matières, ÉEQ compte s’arrimer avec ses contreparties en Ontario (qui est aussi en train d’implanter une collecte sélective entièrement financée et administrée par les producteurs), puisque les deux provinces partagent plusieurs des mêmes débouchés.

Une valorisation principalement locale

ÉEQ sera en effet désormais responsable de trouver des débouchés pour les matières récupérées. Cette partie de la chaine du recyclage ne relèvera plus des centres de tri. Selon la réglementation, la valorisation devra être en grande partie locale, c’est-à-dire qu’elle devra être effectuée par des recycleurs situés dans le nord-est de l’Amérique du Nord entre l’Ontario et le New Jersey. Pour ce qui est des CMC, ÉEQ pourra compter sur l’usine de Fibres Sustana à Lévis, près de Québec, qui utilise les contenants multicouches et d’autres matières à base de fibres blanches pour fabriquer des fibres recyclées de qualité supérieure. Celles-ci sont ensuite vendues à des manufacturiers de papier d’impression, de papier tissu et d’emballages, dont des emballages alimentaires. Cette usine a présentement la capacité de recycler entre 4000 et 5000 tonnes de CMC par an et vise à atteindre 15 000 tonnes au cours des prochaines années. Au besoin, ÉEQ pourra conclure des ententes avec d’autres recycleurs dans le nord-est de l’Amérique du Nord et travailler à favoriser l’émergence de débouchés dans la région.

Les changements profonds occasionnés par cette refonte de la collecte sélective s’annoncent prometteurs. Après avoir été impliquée dans le recyclage au Québec depuis sa fondation en 2005 par l’entremise de la perception des cotisations des producteurs et leur distribution aux municipalités pour financer la collecte, ÉEQ voit son rôle prendre considérablement de l’expansion. Son équipe, qui elle-même grandit afin d’assumer ces nouvelles responsabilités, a naturellement beaucoup de pain sur la planche d’ici à 2025. Un plan exhaustif a été établi qui définit plusieurs jalons déterminants qu’elle s’attelle maintenant à mettre en œuvre. Elle a toute notre confiance pour réaliser l’optimisation du système de recyclage qui s’amorce et peut compter sur notre collaboration pour faire en sorte que la récupération et la valorisation des contenants multicouches sous le nouveau système soient couronnées de succès.